Une expérimentation, lancée fin 2023 par CEVA Logistics, ENGIE et Sanef, a permis de déployer entre Lille et Avignon un réseau de stations-relais équipées de bornes de recharge électrique pour les poids lourds. Objectif : donner un coup d’accélérateur à la décarbonation du transport routier de marchandises longue distance en Europe. Après une première année d’expérimentation avec du biogaz, le passage du pilote à l’électrique a été inauguré sur l’aire autoroutière de Sommesous, dans la Marne.
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25 %. C’est la part des poids lourds dans les émissions de gaz à effet de serre émises par le secteur des transports en France en 2024. Parmi les leviers existants pour décarboner le transport routier, le changement de motorisation est l’une des pistes prometteuses. C’est pour répondre à cet enjeu qu’a été lancé, en 2022, le projet ECTN, pour European Clean Network, à l’initiative de l’entreprise de logistique CEVA Logistics, du fournisseur d’énergie ENGIE et du concessionnaire autoroutier Sanef.
Des stations-relais inspirées des anciens relais de poste
Leur idée : installer un réseau de stations de recharge électrique pour poids lourds tous les 300 km entre Lille et Avignon, à l’image des anciens relais de poste où les chevaux étaient remplacés pour assurer un transport du courrier sans interruption. L’objectif est de reprendre ce principe d’étapes pour garantir un acheminement continu des marchandises… cette fois avec des camions électriques. Découpé en quatre segments, ce corridor bas-carbone compte cinq stations-relais implantées à Lille, Sommesous, Dijon, Lyon et Avignon. C’est sur l’aire de Sommesous, située sur l’autoroute A26 entre Troyes et Reims, qu’a été inaugurée le 25 avril dernier une station de ce réseau innovant. L’aire autoroutière est désormais équipée de deux bornes électriques haute puissance de 400 kilowatts, qui permettent une recharge des camions électriques en moins d’une heure, contre plusieurs heures avec les bornes moyenne puissance.
d’aide a été accordé par l’ADEME pour ce projet.
Le rôle de l’ADEME
Dans le cadre de l’Appel à Projets « Écosystèmes des véhicules lourds électriques 2023 », l’aide apportée par l’ADEME au projet CEVA-ECTN contribuera à couvrir le surcoût généré par l’acquisition de tracteurs routiers électriques sur un premier tronçon, et à mettre en place l’infrastructure de recharge associée. Le but : prouver la viabilité du concept ECTN via une première brique, avant son extension à d’autres tronçons en France et en Europe.
Une organisation du transport 100 % innovante
Le concept est simple : lorsqu’un camion arrive à une station-relais, le chauffeur décroche sa remorque, qui sera ensuite accrochée à un autre camion qui continuera le trajet sur le segment suivant. C’est également à la station-relais que les camions électriques sont rechargés et que les chauffeurs prennent leur pause. Cela permet de minimiser les temps d’arrêt et de maximiser l’efficacité du transport.
« L’innovation du projet consiste à utiliser la technologie à disposition sur le marché au service d’une nouvelle organisation du transport routier longue distance » décrypte Romain Royer, chef de projet à l’ADEME du programme CEE E-trans, qui vise au déploiement de la mobilité électrique pour les véhicules lourds. « Le défi de cette organisation inédite est de coordonner l’utilisation optimisée de camions électriques afin de permettre un flux continu des marchandises. »
et 5 bornes de recharge haute puissance ont été (co)financés grâce à l’aide de l’ADEME.
Une réduction de 60 % des gaz à effet de serre
À terme, le réseau de terminaux poids lourds sera ouvert à tous les chargeurs et transporteurs. Pour coordonner et optimiser les flux, les opérations seront pilotées par une solution informatique qui permettra aux entreprises de transport de planifier leurs itinéraires et leurs horaires de recharge de la manière la plus optimisée et la plus économe en carbone.
environ pourraient être économisées chaque année, grâce à l’absence d’émissions de gaz à l’échappement.
Une étude réalisée par les trois partenaires ECTN avec l’appui des cabinets Carbone 4 et ENGIE Impact, a montré que le déploiement de 190 stations-relais à l’échelle européenne permettrait de réduire les émissions de GES de 60 % par rapport au transport routier actuel, contribuant aux objectifs fixés par l’Union européenne. En accélérant la sortie du diesel au bénéfice de l’électrique et du biogaz, ce déploiement améliorerait également la balance commerciale, la résilience et l’indépendance énergétique.
Que des bénéfices !
« Avec ce modèle, les chauffeurs n’ont plus à parcourir de longs trajets et effectuent des allers-retours quotidiens sur un segment routier défini » explique Arnaud Bouffard, directeur du projet ECTN. « En supprimant la pause nocturne des chauffeurs, le principe de boucles entre deux stations-relais permet à un poids lourd bas-carbone de remplacer deux camions diesel traditionnels. » Des horaires réguliers améliorent les conditions de travail et participent à l’attractivité d’un métier aujourd’hui en tension. Autres bénéfices pour les chauffeurs : l’absence de vibration et le silence de la cabine, grâce à la motorisation électrique, rendent la conduite plus confortable.
Les avantages du dispositif ne s’arrêtent pas là : « la suppression de la pause nocturne permet également d’augmenter la vitesse de transit de la marchandise : le trajet entre Avignon et Lille est ainsi réduit de 23 à 17 heures, soit 25 % de temps gagné » reprend Arnaud Bouffard. « De plus, en doublant le kilométrage annuel des camions bas-carbone, le dispositif permet d’en faciliter l’amortissement et d’en accélérer le renouvellement pour capter au plus tôt les dernières évolutions technologiques. »
L’objectif de l’expérimentation est, à terme, de faire circuler 16 camions électriques selon le mode opératoire ECTN, avant un déploiement du concept à l’échelle européenne.
Le programme CEE « E-trans » de l’ADEME
Lancé en 2024, le programme CEE « E-trans » vise à accélérer le déploiement de véhicules lourds électriques à batterie sur le territoire. Il s’adresse d’abord aux petites et moyennes entreprises (PME), pour lesquelles le coût de ces véhicules reste un frein important, avant de s’étendre à l’ensemble des acteurs de la filière. L’objectif est de contribuer à la décarbonation du transport routier de marchandises et de voyageurs, en priorité sur les grands axes et dans les zones denses ou à faibles émissions.